jeudi 24 octobre 2013

Immersion


Dans les favelas de Luanda, le sol ocre largement défoncé de ça et là par des trous béants voit pousser de façon anarchique des maisonnées en terre cuite ou en briques. La vie commence très tôt, à peine le soleil levé, les femmes sortent et installent leur marchandise à même le sol, du manioc, des bouteilles d’eau minérale remplie d’une boisson énergétique farineuse et sucrée ; partout des enfants, sur le dos des femmes ou courant pieds nus dans la poussière. Certains paraissent minuscules et déambulent déjà en toute indépendance, courant après les poules ou les chiens errants qui pullulent dans les rues sinueuses des bidonvilles.






 A l'aube commence le va et vient des vendeurs ambulants qui partent vers la ville pour vendre de tout, absolument tout. Des montres, des fruits, des lampes, du savon, des Cds, des styles, des lunettes de toilettes, des chaussures, des outils, du papier toilette… Rien n’est introuvable, même les objets les plus encombrants ou dérisoires. Ces vendeurs peuvent aller à leur gré entre les voitures bloquées des heures et des heures dans les embouteillages monstrueux de la mégalopole surpeuplée. 
 

En fin de journée, c'est l'heure où Luanda s'engorge, où les millions de Luandais prennent d’assaut ces innombrables Taxi bleus que l’on trouve absolument partout et dont les moteurs crachent une fumée noire suffocante. Ces minibus qui évoquent à notre inconscient collectif les années hippies sont ici les seuls moyens de transports collectifs existants. Tout ce que la classe politique indigne laisse au XXIé siècle comme transports publics aux angolais. Luanda n'a ni métro, ni tramway, ni bus dignes de ce nom, mais de larges avenues profondément trouées et qui à cette heure de la journée entrent dans des convulsions furieuses. Les mini bus ne disposent d'aucune indication concernant leur direction et ils n'ont pas d'arrêt précis, il faut attentivement écouter le rabatteur qui crie régulièrement le lieu du terminus et faire signe hystériquement, planté sur le bord de la route. Pour les Angolais c’est instinctif, ils s’engouffrent dans les vans aux sièges défoncés sans jamais se tromper. Ces taxis sont généralement équipés d’un système sonore de compétition à faire pâlir les plus grands amateurs de tunning. Le volume est poussé au maximum, les basses vibrent dans la poitrine des passagers couvrant les klaxons et le tohubohu de la rue, pendant que le conducteur habile mais inconscient alterne les queues de poissons, passage sur les trottoirs, accélérations et freinages brutaux. Ambiance assurée. 

 

Retour à la favela à la tombée du jour, selon la répartition traditionnelle des rôles, les femmes préparent les repas et les hommes boivent de la Cuca. Bière nationale qui s’affiche partout bénéficiant visiblement de moyens financiers exubérants pour sa publicité. Il est fréquent d’acheter également des petits tubes de Whisky pour 100kwanzas l’équivalent d’un dollar, l’acheteur se voit remettre quelques décilitres d’alcool pur. Ici pas encore de messages de santé publique, l’alcool n’a pas à être consommé avec modération, fumer ne tue pas..


Les jeunes se rassemblent, lustrent leur moto, discutent bruyamment, boivent et fument pour certains. Mais pas pour tous, beaucoup sont croyants et rejettent violemment ce genre de comportement.
Pour les autres le look est souvent improbable, la règle étant d'allier le plus possible de couleurs flashy dans une même tenue. Les mini bus rejoignent la fête, et laissent leur musique endiablée tourner jusqu'au milieu de la nuit. La musique des favelas est le Kuduro, d'abord une danse alliant sauts et contorsions aussi inimitables qu’impressionnantes sur fond de rap hyper rythmé.

 Pour découvrir un peu tout cela à la fois, je vous laisse découvrir un vrai bon morceau de Kuduro et son clip… 




jeudi 10 octobre 2013

Broken African Dream



Moi, la petite blanche, venue de si loin pour découvrir l’Afrique, qu’en-ai je vu au fond ?

Qu’ai-je réellement découvert sans le soumettre au prisme de mes convictions ?
J’ai jugé, conseillé, mille fois je me suis indignée contre l’injustice, la corruption, l’incivilité, la pauvreté, l’ignorance. Cette indignation n’est pas occidentale, elle est humaine, elle puise sa source dans les droits inhérents à la personne humaine.
Je repars bientôt, sans avoir percé le moindre secret de Mama Africa. Sans pouvoir dire que j’ai senti les vibrations de cette terre ni l’âme de son peuple.
En Angola, l’histoire semble avoir commencé il y a 30 ans à peine. Je n’ai pas découvert de cultures, de tribus, de chants traditionnels, de croyances ancestrales. Est-ce le fruit d’une colonisation brutale ? De la guerre civile ? Est-ce l’issue inévitable de la course effrénée de l’Afrique vers la mondialisation ?
Je repars bientôt sans parvenir alléger mon cœur d’un poids, d’une pointe d’amertume. Cette même amertume qui s’emparait de moi devant un paysage naturel superbe mais gâché par des montagnes de détritus. Celle là encore qui s’est accumulée au cours des mois de frustrations quotidiennes, blessantes, inextricables. J’ai parfois ressenti de l’agressivité et du racisme, plus généralement une simple mais claire ignorance. Je ne leur en veux pas le moins du monde, je ne ressens qu’un peu de tristesse pour eux. Ce peuple privé de liberté de manifester, de liberté de presse est un peuple manipulé, à qui l’on cache tout, désinforme et ment. Un étau de pensée si étroit qu’il ne laisse aucune place au libre arbitre ou à la rébellion, sublime quand elle est fondée. Entre un gouvernement tyrannique et une religion catho omniprésente, peu de place pour le développement d'une conscience sociale.
Je voulais aider, mes paroles se sont heurtées à des murs.
Je voulais admirer, je n’ai pas su me départir d’un regard trop sévère.

Moi, la petite blanche, je n’ai rien appris, ou si peu.